François Legault demande au Bloc québécois de faire tomber le gouvernement Trudeau
Dans une sortie médiatique inusitée, le premier ministre du Québec, François Legault, a laissé entendre jeudi qu’il souhaitait un changement de tête à Ottawa.
S’adressant aux journalistes à Québec, il a dit souhaiter que le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, vote en faveur de la motion de censure que les conservateurs de Pierre Poilievre envisagent de présenter la semaine prochaine à la Chambre des communes.
Mais au lieu d’interpeller directement M. Blanchet,
M. Legault a appelé Paul St-Pierre Plamondon, le chef du Parti québécois, le parti frère
du Bloc québécois, à le faire.
Je demande à M. St-Pierre Plamondon, au chef du PQ, d'avoir aujourd’hui du courage et de demander à son camarade du Bloc de reculer, de ne pas appuyer le gouvernement Trudeau la semaine prochaine et de défendre les intérêts des Québécois et de la nation québécoise.
C’est important, ce qui se
passe actuellement. M. St-Pierre Plamondon a le devoir de se lever debout, d’être
courageux et d’interpeller Yves-François Blanchet
, a-t-il encore dit.
Entrevue avec Yves-François Blanchet, chef du Bloc québécois
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Le Parti conservateur du Canada (PCC) prévoit déposer mardi
prochain une motion de censure, dont le libellé est : La Chambre n'a pas confiance dans le premier ministre et le
gouvernement
. Elle sera débattue et votée le jour suivant.
Est-ce que le Bloc québécois
va voter en faveur de la motion des conservateurs la semaine prochaine? La réponse est
non
, avait lancé Yves-François Blanchet en point de presse mercredi à Ottawa.
Voulez-vous remplacer Justin Trudeau pafr Pierre
Poilievre? Donc la réponse c’est non.
L'« enjeu » de l'immigration
M. Legault a justifié cette sortie contre le premier ministre Justin Trudeau en évoquant la hausse des immigrants temporaires au Québec, rappelant que leur nombre a doublé en deux ans, passant de 300 000 à 600 000.
Ça amène des problèmes
graves quand vient le temps de fournir des services publics, a dit le chef de la
Coalition avenir Québec (CAQ). Ça amène aussi des enjeux et des conséquences graves
sur l’avenir du français, en particulier à Montréal. Cela fragilise la nation
québécoise.
Ça fait six mois minimum que
je demande à [Justin] Trudeau de réduire de moitié ce 600 000 et de le faire
immédiatement, a-t-il encore dit. Jusqu’à présent les seuls gestes annoncés par
M. Trudeau sont non significatifs.
M. Legault a toutefois refusé de répondre aux questions des
journalistes à la fin de son point de presse, dont celle à savoir si le Québec serait mieux servi par les conservateurs.
Une « tentative désespérée », répond le PQ
Le Parti québécois a rapidement réagi à la sortie de François Legault. Le député Pascal Bérubé a d'abord donné le ton en accusant le premier ministre de soutenir les conservateurs de Pierre Poilievre.
Dis-nous que tu appuies le
Parti conservateur de Pierre Poilievre sans nous dire que tu l’appuies
,
a-t-il écrit sur X.
Le reportage de Laurence Martin
Un peu plus tard, son chef Paul St-Pierre Plamondon a tenu un
point de presse au cours duquel il a dénoncé une tentative désespérée
de François Legault et a qualifié son
bilan de catastrophique
, notamment en matière
d'immigration et de protection de la langue française.
C'est de la politique vide [...] pour ne pas nommer l'échec total de la doctrine caquiste au sein du Canada. [La CAQ] a perdu le contrôle sur l'immigration, on a régressé sur le français, on a le pire déficit de l'histoire du Québec [et] les services se détériorent.
Essentiellement, le premier
ministre veut que je réussisse là où il a échoué
, a dit le chef du PQ. Sur une période de sept ans, il nous a promis de gros gains au Canada
[...] Rien de ça n’était vrai.
Entrevue avec Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois
Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy Roussel
M. St-Pierre Plamondon a par ailleurs accusé
M. Legault de se coller aux
conservateurs
et de chercher à couvrir
son propre échec
en appuyant à mots
couverts
Pierre Poilievre. Mais le chef du Parti conservateur du Canada
ne s’est jamais engagé à donner au Québec les pleins
pouvoirs en immigration
, a rappelé le chef péquiste.
Selon lui, que le gouvernement fédéral soit dirigé par les libéraux ou les conservateurs, le résultat est le même pour le Québec.
C’est un régime qui nous est
hostile [...] et la seule conclusion logique, c’est de sortir de ce régime-là en étant
indépendants
, a dit M. St-Pierre Plamondon.
Ça reste non
, dit le chef du BQ
Le chef du Bloc a quant à lui adressé une fin de non-recevoir au
premier ministre du Québec, affirmant que ça reste
non
.
Je ne suis ni conservateur, ni libéral… ni caquiste. Je suis chef du Bloc québécois. Je sers les Québécois, pas les Libéraux, selon mon seul jugement.
Il affirme que la motion conservatrice ne porte pas du tout sur l’échec en immigration de Justin
Trudeau
.
On est à l’écoute des
motions unanimes de l’Assemblée nationale du Québec. Je l’attendrai, a-t-il encore dit.
Je présume avec joie que, si et au moment où le Bloc délogera les Libéraux, Monsieur
Legault appuiera le Bloc québécois.
Par ailleurs, à l'instar du Bloc québécois, le Nouveau Parti démocratique (NPD) de Jagmeet Singh n’appuiera pas la motion de censure que les conservateurs prévoient déposer la semaine prochaine.
« On rejette la vision de Pierre Poilievre et des conservateurs et c'est pourquoi on va voter contre la motion », a dit M. Singh jeudi en mêlée de presse.
Perturbations à la Chambre
À Ottawa, le ministre fédéral de l’Immigration, Marc Miller, a
dit au micro de l'émission Midi Info de Radio-Canada qu'il ne
souhaite pas commenter les déclarations de François Legault. Il a toutefois dit que le
premier ministre est peut-être le premier fan de Pierre
Poilievre au Québec
.
Je ne pense pas que les
Canadiens veulent une élection [fédérale] maintenant
, a-t-il ajouté.
Du côté des conservateurs, le chef de l’opposition officielle a perturbé la période des questions à la Chambre des communes. Au lieu d’adresser ses questions au gouvernement, conformément aux règles de la Chambre, il a utilisé son temps de parole pour lancer des flèches aux chefs du Bloc et du NPD, qui n’ont pas le droit de répondre, ce qui a nécessité une intervention du président Greg Fergus, qui a rappelé M. Poilievre à l’ordre.
Ce dernier a ensuite coupé court à sa participation à la période
des questions et est sorti pour parler aux journalistes à l’entrée de la Chambre. Il a
notamment accusé le Bloc de travailler pour Justin
Trudeau, le premier ministre le plus coûteux et centralisateur de l’histoire du
Canada
.